Il faut faire un pas de côté, traverser la Maine par le pont des Arts et métiers, pour juger la façon dont s’intègrent dans le bas du centre-ville les halles que les Angevins attendaient depuis la fermeture des précédentes en 2005, implantées 200 mètres plus haut.
« Le bâtiment s’implante de façon centrale sans être ostentatoire, dans un contexte patrimonial contraint. Il résonne avec les toits de la ville. C’était un équilibre pas si simple à trouver », se félicite Bruno Huet, l’architecte angevin associé à Marion Négroni, retenu début 2020 par Alter pour créer ce vaisseau de béton, de bois et de verre.
Sa silhouette « singulière » a nécessité un « fin travail de couverture », précise-t-il, pour « fragmenter la structure » et « la ramener à l’échelle du lieu ». Un hommage appuyé à ceux qui ont mis en œuvre « le zinc de façon aussi détaillée et ciselée » : les compagnons de la société Gohard (Bouchemaine) qui s’est adjugé un des quinze lots, aux côtés de Boisseau Bâtiment (Mauges-sur-Loire, maçonnerie), Briand Bois (Saint-Sylvain-d’Anjou, ossature) et Verre Solution (Trélazé, vitres).
Les halles gourmandes sont situées dans le bas de la rue Plantagenêt à Angers, sur l’ancien parking de la Poissonnerie fermé depuis cinq ans. | CO – JOSSELIN CLAIR
Le Studio d’architecture Bruno Huet (SABH), basé sur le boulevard Saint-Michel à Angers, avait été désigné lauréat il y a trois ans sur la base notamment de cette image de synthèse. L’agence a depuis été retenue pour mener un projet similaire dans le centre-ville de Laval. | SABH
Le bâtiment se déploie en longueur, tout en offrant une hauteur sous plafond qui rappelle le style des halles alimentaires. | CO – JOSSELIN CLAIR
Un glacis à l’huile de lin pour protéger le bois
Cette légèreté visible à distance tranche avec l’impression de volume qui domine en entrant dans les lieux par une des deux terrasses et quatre accès. La hauteur s’élève sur 7 mètres jusqu’à la charpente pour rappeler « la morphologie des halles ». Cette respiration avait tapé dans l’œil du jury, présidé à l’époque par l’ancien maire, entouré d’élus de la majorité et de représentants des trois chambres consulaires*.
« Notre parti pris a été de caler toutes les réserves sèches, les chambres froides et les parties techniques du côté de la rue de la Poissonnerie pour libérer une triple hauteur face à la Maine qui bénéficie à toute la surface de vente ».
Les gaines d’évacuation et les câbles électriques sont apparents des murs aux plafonds, « dans un joyeux chaos qui compose le paysage et participe à l’atmosphère ». Dans le même esprit, le béton est laissé brut à l’intérieur pour « tout montrer », accessoirement pour limiter le coût et l’entretien.
Ce platane a été sérieusement élagué pour pouvoir s’intégrer dans le projet, plus précisément dans la toiture au niveau d’une des entrées. | CO – LAURENT COMBET
Cette vision « minimaliste et nature » s’exprime aussi à travers l’usage de matériaux biosourcés, dans le mobilier des stands comme sur le bardage extérieur, du pin Douglas qui sert d’habillage et de pare-soleil. « La volonté était de construire des halles contemporaines, saines et pérennes », résume le maître d’œuvre qui s’est inspiré d’une méthode utilisée dans la région de Saint-Malo pour éviter le vieillissement prématuré du bois : « Nous avons appliqué sur le bois un glacis à l’huile de lin pour qu’il ne grise pas et garde son aspect miel le plus longtemps possible. Il est presque trop neuf mais va progressivement se pâlir en se désaturant, tout en gardant sa luminosité ».
Une quinzaine de fenêtres ont été intégrées dans la façade principale. Ouvertes à hauteur de taille, elles serviront de passe-plats pour les clients qui consommeront à l’extérieur. | CO – LAURENT COMBET
Les installations techniques ont été volontairement laissées apparentes au plafond dans un esprit d’aménagement minimaliste. | CO – LAURENT COMBET
Les clients qui souhaiteront s’attabler auront le choix entre un restaurant et quatre traiteurs. | CO – LAURENT COMBET
Les halles ne sont séparées de l’esplanade Cœur de Maine que par une deux voies. La question de la circulation autour de cet équipement se posera inévitablement quand les nouvelles lignes de tramway auront été mises en service. | CO – LAURENT COMBET
Toutes les options techniques et l’accessibilité ont été validées lundi par la commission de sécurité. Reste au public à s’engouffrer dans ce marché couvert, vendredi à partir de 11 heures, pour découvrir les 16 premiers commerçants et artisans de bouche.
« C’est le projet dont on me parle le plus à Angers depuis deux ou trois ans. Je suis curieux de voir comment ça va vivre », s’impatiente Bruno Huet. Son studio d’architecture réalise au passage le grand chelem dans le périmètre Cœur de Maine avec la réhabilitation en cours de l’immeuble du Crédit Mutuel et la refonte de la place Molière qui sera livrée le 7 juillet avec les nouvelles lignes de tramway.
Cette nouvelle du puzzle vaut bien mieux à ses yeux que les polémiques qu’elle suscite : « Les halles gourmandes, ce sont des années de travail, des dizaines d’architectes et d’ingénieurs mobilisés, une quinzaine d’entreprises impliquées et des dizaines d’employés pour les animer. Cette énergie collective mérite d’être respectée. C’est un lieu ouvert à tous qui est fait pour rassembler, pas pour diviser ».
*Les trois autres candidats étaient DLW Architectes (Nantes), Basalt Architecture (Val d’Oise) et Scheubel et Genty (Angers).
Les Halles Cœur de Maine en chiffres
· Emprise du projet : 1 400 m².
· Surface de planchers : 1 580 m² (dont surface commerciale : 930 m²).
· Dimensions du bâtiment : 75x30 mètres.
· Faîtage : 8,50 mètres.
· Durée du chantier : 13 mois (octobre 2021 à novembre 2022).
· Nombre d’entreprises du bâtiment : 15.
· Coût total de l’opération : 5,8 millions d’euros.